Ce samedi 20 novembre, des marées violettes ont envahies les rues de France. Des vagues de révolte pour s’ériger contre les violences faites aux femmes, propulsées par les marches organisées par le collectif #NousToutes. 

Une lutte malheureusement plus que jamais d’actualité alors que le nombre de féminicides conjugaux en 2021 sur le territoire français s’élève à 101, selon un récent décompte du collectif « Féminicides par conjoint ou ex-conjoint”. En 2020, ce chiffre était estimé à 102 femmes, contre 146 en 2019, d’après des chiffres du ministère de la Justice.

Que l’on soit témoin dans la rue ou que l’on ait des proches concernées, nous pouvons tou·te·s agir à notre niveau pour combattre ce fléau. Peut-être avez-vous déjà assisté à une scène de violence, impuissant·e, en vous disant que vous auriez pu faire plus pour la victime si vous aviez été mieux informé·e·s. Voici quelques pistes calquées sur les recommandations des associations de lutte contre les violences conjugales et le site du gouvernement.

Dans la rue, les transports et autres lieux publics

Vous marchez dans la rue, en direction de votre métro. De l’autre côté du trottoir, des éclats de voix vous parviennent. Vous interprétez tout d’abord cela comme “une banale embrouille de couple qui ne vous regarde probablement pas”. Pourtant, vous ne pouvez pas vous empêcher de jeter des coups d’œil furtifs en direction de ces personnes. Et rapidement, vous réalisez que l’homme crie beaucoup plus fort. Que la femme se défend tant bien que mal, mais semble surtout lutter contre la peur. Alors vous aussi, vous avez peur. Et si la situation dégénérait ? Comment aider cette femme, l’extirper des griffes de cet homme potentiellement violent, sans aggraver la situation ou vous mettre en danger ?

Des questions que l’on est probablement nombreux·euse·s à s’être posées dans ce genre de situation. Notre premier réflexe sera sans doute de vouloir s’interposer entre les personnes. “Lorsque que vous êtes témoin d’une agression ou de harcèlement sexistes et sexuels, certains réflexes simples et actions concrètes peuvent faire la différence. Votre intervention doit dépendre de la dangerosité de la situation”, prévient toutefois le site du gouvernement.

L’une des stratégies les plus efficaces consiste à appliquer le premier principe de la « méthode des 5D »*, c’est-à-dire tenter de distraire l’agresseur en détournant son attention. Par exemple en vous avançant et en demandant calmement : “Bonjour, est-ce que tout va bien ?”. Et de poursuivre le dialogue aussi longtemps que vous le pouvez. N’hésitez pas non plus à mobiliser d’autres témoins susceptibles de vous aider. “Il est important de signaler à l’agresseur que nous voyons ce qui est en train de se passer, en privilégiant le dialogue plutôt que l’intervention physique. Il est également important de s’adresser à la victime, lui demander si elle va bien, si elle a besoin d’aide”, recommande Sophie Sallefranque, cheffe de service de l’association Du Côté des Femmes (Pau).

Le fait d’intervenir en groupe permet aussi de réagir plus vite : plusieurs personnes peuvent détourner l’attention de l’agresseur, d’autres prévenir des agents de sécurité (si vous êtes dans les transports) ou la police en contactant le 17. Pensez à récolter le maximum d’informations pour les transmettre aux forces de l’ordre : lieu précis de l’agression (adresse, nom de la station si la scène se déroule dans les transports etc), description physique des personnes concernées, présence d’enfants, détention d’arme par l’agresseur, plaque d’immatriculation, nombre de victimes, etc. Si possible, prenez des photos ou des vidéos avec votre smartphone et conservez-les (ces éléments pourront éventuellement servir de preuves si la victime décide de porter plainte).

*Distraire, déléguer, documenter, diriger, dialoguer

Chez les voisin‧e‧s

Cette situation, vous l’avez peut-être déjà vécue aussi. Vous êtes chez vous et des cris transpercent les murs. Vous reconnaissez la voix du voisin. Ce même homme qui affiche un sourire complaisant chaque fois que vous le croisez sur le pas de la porte. Mais vous avez compris qu’une fois passé de l’autre côté, ce masque affable s’évanouit et laisse place aux cris, aux menaces et aux insultes à l’encontre de la femme (et peut-être des enfants) qui vit dans l’appartement. Vous redoutez que les choses s’aggravent pour votre voisine, mais ne savez pas comment intervenir.

En cas d’urgence, la question ne se pose pas : contactez les forces de l’ordre le plus vite possible (l’appel peut être passé de façon anonyme). Le problème, c’est que même dans le cas où la police se déplace, la victime devra porter plainte pour que les signalements de violence soient réellement pris en compte. Or, on sait qu’un grand nombre de femmes n’osent pas entreprendre cette démarche : par peur de se mettre encore plus en danger bien sûr, mais aussi par crainte de ne pas être crue, soutenue ou écoutée par les forces de l’ordre*.

À cela, peut s’ajouter la peur (légitime) des représailles de la part du voisin. Il existe tout de même des solutions pour venir en aide à votre voisine : “La première chose utile est de lui faire savoir que vous avez compris ce qui se passait et que vous êtes prêt·e à la soutenir. Faites-le discrètement, bien sûr… Songez que les violences conjugales provoquent chez toute femme honte et culpabilité : rassurez-la, faites preuve de compassion avec simplicité”, conseille l’association SOS Femmes.

D’autres actions sont possibles : lui fournir discrètement les informations concernant le numéro d’appel d’urgence « Violences Femmes info » (3919) et les contacts d’associations spécialisées, la recevoir chez vous quand cela est possible. Et, au besoin, lui fournir le moyen de téléphoner à ses proches ou à des personnes spécialisées, tout en lui permettant d’être à l’abri du regard de son agresseur.

Les voisin·e·s jouent un rôle clé car, souvent, les agresseurs ont réussi à éloigner leur victime de leurs cercles d’amis et de proches. Elles n’ont plus personne à qui confier des documents importants comme de l’argent ou des papiers administratifs.

*Le site Double Peine lancé en octobre dernier – qui recueille les paroles de plusieurs centaines de femmes doublement traumatisées après avoir porté plainte au commissariat pour violences sexistes et sexuelles – en témoigne. La dépendance économique joue elle aussi un grand rôle dans la réticence des victimes à porter plainte : un levier que connaissent bien les agresseurs et qu’ils n’hésitent pas à activer pour resserrer l’étau autour de leur(s) victime(s).


Une mère, une sœur, une amie…

Et, bien sûr, il y a les proches. Celles qui racontent les violences qu’elles subissent, vous les confient à demi-mot ou les taisent, mais que vous parvenez tout de même à déceler. Celles qui vous donnent envie d’emmener cette proche très loin, tout en vous heurtant à son refus de vous suivre. Une situation qui peut paraître frustrante, voire incompréhensible. Mais les mécanismes d’emprise sont complexes, les raisons (on l’a vu plus haut), multiples et la prise de conscience peut prendre des mois, voire des années.

En tant que témoin proche, l’aide la plus précieuse que vous pouvez apporter est donc tout d’abord un soutien et une écoute. La présence bienveillante de l’entourage va énormément contribuer à la faculté de la victime de se défaire de l’emprise qui l’assaille : “Si chaque victime avait dans son entourage 5 à 10 personnes alertes, elle resterait moins longtemps sous l’emprise de son conjoint violent. Elle ne se saisira peut-être pas de la première ni de la deuxième proposition d’aide, mais ses chances d’être orientée vers des professionnels aguerris seraient démultipliées”, explique l’association parisienne Elle’s IMAGINE’nt qui écoute, conseille et accompagne les femmes victimes de violences conjugales.

Il est aussi très important de prendre fréquemment de ses nouvelles, de s’assurer de rester joignable le plus souvent possible et vous tenir prêt·e à la secourir ou à l’héberger. “Si cela est possible, on conseille aux femmes de déposer au fur et à mesure leurs affaires chez une personne de confiance. Il est également précieux de faire des photocopies des pièces administratives, comme la carte bancaire ou la carte d’identité, pour que cela soit plus simple le jour où la personne décide de partir définitivement de la maison”, souligne Sophie Sallefranque, de l’association Du Côté des Femmes.

Comment repérer les signes ?

Contrairement à une idée reçue tenace, les violences conjugales ne sont pas uniquement physiques, mais aussi psychologiques (insultes, moqueries, tendance à culpabiliser l’autre ou à l’intimider).

L’isolement est aussi un signe caractéristique : si votre proche annule de plus en plus souvent vos rendez-vous ou encore que vous n’avez plus l’occasion de la voir en tête-à-tête, cherchez à savoir pourquoi. Sans la culpabiliser, montrez-lui que vous êtes là en cas de besoin.

Une modification du comportement ou de l’apparence physique sont également des signaux à prendre en compte : gêne, voire attitude de fuite si le conjoint téléphone, perte ou prise de poids soudaine, air absent ou préoccupé pendant les conversations, perte d’appétit, anxiété, etc.

Se renseigner sur sa situation économique peut aussi vous aider à comprendre ce qu’elle traverse. Dispose-t-elle de son propre compte en banque ? A-t-elle laissé, d’une manière ou d’une autre, sous-entendre qu’elle souhaitait quitter son foyer mais que ses revenus ne le lui permettaient pas ?

Des initiatives et des outils à connaître :

3919 : Plateforme nationale d’écoute des victimes de violences conjugales, sexistes et sexuelles ouverte 7j/7 et 24h/24. Appels anonymes et gratuits.

SOS Femmes, Elle’s IMAGIN’ent, Femmes avec, Lawyers For Women, « Une voix pour elles » : Réparties sur tout le territoire français, ces associations sont spécialisées dans l’accompagnement des femmes victimes de violences. Elles travaillent en étroite collaboration avec les différentes entités juridiques et associatives (notamment le Planning familial), ainsi que les unités médico-judiciaires.

App-Elles : Créée en 2015 par l’artiste et activiste Diariata N’Diaye, cette application a été développée avec l’association Resonantes pour venir en aide aux victimes et témoins de violences sexistes et sexuelles.

NousToutes : Tous les ans, le collectif #NousToutes organise des marches à travers toute la France STOP aux violences sexistes et sexuelles, en amont de la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes. Celles de 2021 ont eu lieu ce samedi 20 novembre.

AGIPI : Pour la première fois en France, un service d’assurance accompagne les femmes victimes de violences conjugales. Fruit d’un partenariat entre l’association Femmes avec… et l’association d’assurés AGIPI, ce contrat de prévoyance inclut un numéro d’appel d’urgence, soutien psychologique, protection juridique (jusqu’à 15.000 euros de frais d’avocat, d’huissier ou encore de médiateur), ainsi qu’une indemnisation financière dès le premier jour d’arrêt de travail.

#NousToutes a regroupé toutes les coordonnées des associations locales et nationales disponibles pour accompagner les femmes et enfants victimes de violences.

Dispositifs d’accompagnement des femmes et enfants victimes de violences 

Publié par :Léa Drouelle

Journaliste santé, avec un penchant prononcé pour les sujets de société. Également adepte du zéro déchet.

Un commentaire sur “Violences faites aux femmes : comment aider ?

  1. Bonjour,
    Merci pour cet article !
    Dans les initiatives et outils à connaitre j’ajouterais l’application « The Sorority » qui permet d’échanger, soutenir et agir grâce au système d’alerte (en l’activant lorsque l’on a un pb dans la rue (par exemple), les personnes autour – possédant l’appli – sont prévenues) 🙂

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